Résumé de la vidéo :
A-t-on le droit de copier l’œuvre d’autrui ? C’est une question fréquemment posée puisque les artistes s’inspirent très souvent des autres. Et à cet égard, un grand auteur du début du 20e siècle, Eugène Pouillet disait : on n’a pas le droit de reproduire sans autorisation l’œuvre d’autrui ou de l’imiter. Il n’est pas interdit en revanche de s’en inspirer. Mais il est souvent difficile d’apprécier le moment où cesse la simple inspiration et où commence l’imitation. Bon nombre d’exemples le démontrent dans l’histoire de l’art.
La copie d’une œuvre au regard de la loi
En principe, ce sont les magistrats qui déterminent le passage de l’inspiration vers l’imitation suivants des critères subjectifs. Dans le cadre d’un contentieux relatif au droit d’auteur, il faut poser un style, une idée ou un genre par écrit via une ébauche, un dessin, une esquisse ou un croquis pour qu’il devienne concret.
Pour pouvoir être protégé au titre du droit d’auteur, l’idée concrétisée doit être originale pour que l’œuvre puisse être qualifiée comme telle. Autrement dit, le tableau doit refléter la personnalité de l’auteur. Concrètement, l’avocat de l’auteur va démontrer les éléments permettant de déceler la personnalité de l’artiste. Et la défense quasi-systématique avancée par le prétendu contrefacteur en cas de contentieux serait l’absence d’originalité. Or s’il n’y a pas d’originalité, il n’y a pas de droit d’auteur et non plus de contrefaçon. Cette réponse est régulièrement retenue par les magistrats. Il peut également évoquer une réminiscence fortuite c’est-à-dire que les deux artistes se sont inspirés d’une même source. Toutefois, il doit démontrer n’avoir pas pu accéder à l’œuvre originale, ce qui est difficile en pratique.
Lorsque l’œuvre est identifiée comme originale, il faut se poser la question pour savoir si tous les éléments qui caractérisent cette originalité sont reproduits ou représentés de manière effective par le prétendu contrefacteur. Si c’est le cas, alors il y aura contrefaçon et une action devant les tribunaux pourra être engagée.
Un artiste a le droit de s’inspirer d’une idée ou de traiter un sujet qui a déjà été fait par un autre. Par contre, il ne peut pas reprendre l’expression particulière de l’œuvre c’est-à-dire l’originalité que l’auteur a voulu exprimer.
Le droit d’auteur sur une œuvre en pratique
Une artiste peintre prétend avoir réalisé trois aquarelles courant 2000 et avoir édité des cartes postales à visée publicitaire à partir de ces tableaux. Elle s’est rendue compte qu’en 2001, un autre artiste avait exposé au grand marché d’art contemporain à Paris des peintures à l’huile datées de 2003 reproduisant ses aquarelles. La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 21 janvier 2009, a jugé que les aquarelles étaient originales. Pour ce faire, elle a décrit chaque point des aquarelles d’origine : le cadrage des personnages, la palette des couleurs utilisées, la reprise des contours noirs, la représentation des corps par les formes qui insistait sur les épaules saillantes, les mains cassées, la torsion du torse, la force des bras, etc. La reproduction totale ou partielle de toutes ces caractéristiques dans des peintures à l’huile ou dans des cartes postales constitue une contrefaçon. Selon la Cour d’appel, il y avait une atteinte à la valeur patrimoniale du fait de la banalisation des œuvres. Le contrefacteur les a reproduites sans autorisation. Et surtout, il y a eu aussi un préjudice moral découlant de l’appropriation délibérée du style et de l’image par la reproduction à l’identique des aquarelles en prenant en compte la notoriété certaine dont l’auteur jouissait dans son milieu artistique : c’est le parasitisme.
Un autre jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 septembre 2014 a considéré qu’il y avait des actes de contrefaçon de différents dessins qui étaient sur une céramique initialement et reproduits sur une autre céramique. Pour dire qu’il y avait reproduction, les magistrats ont retenu les traits semblables.
Le plan de conception paysagère d’un jardin peut également être touché par la contrefaçon. Comme le paysagiste y exprime sa personnalité, tout peintre qui reproduit les éléments originaux pourrait être qualifié de contrefacteur.
En conclusion, il est tout à fait possible de s’inspirer d’une œuvre, une pratique assez courante dans la vie d’un artiste, mais pas de l’imiter ni de le reproduire. Il faut éviter de reprendre les traits originaux qui caractérisent un tableau. L’inspiration ne doit pas permettre de s’enrichir uniquement grâce à la notoriété du premier. Il faut également fournir un certain travail sinon on pourrait être inquiété au titre du parasitisme.